Par Marion Riegert
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Jessica Blouin, lauréate du Prix de master de l’Institut du Genre pour ses travaux sur la prise en charge des conjoints violents

Le mémoire de sociologie de Jessica Blouin a été récompensé par le Prix de master 2022 de l'Institut du Genre. La jeune femme s’intéresse à la prise en compte du genre par les professionnels qui interviennent auprès des auteurs de violences conjugales.

Quand j’ai eu le mail, je n’y croyais plus. Je suis littéralement tombée de mon siège et après j’ai cru qu’ils s’étaient trompés d’adresse, sourit Jessica Blouin en se remémorant le moment où elle a appris qu’elle était lauréate du Prix de master 2022 de l'Institut du Genre. Nous sommes en juin 2023, un an après la soutenance de son mémoire de master.

Son sujet ? Les cadrages conceptuels des pratiques de prise en charge des conjoints violents : enjeu du genre, enjeu des métiers. Au début de sa recherche, Jessica Blouin se rend compte qu’il existe peu de données notamment chiffrées sur la thématique. L’étudiante réalise alors un état des lieux de la situation actuelle.

En parallèle, elle effectue neuf entretiens de professionnels, responsables de service, éducateurs spécialisés et psychologues-psychothérapeutes, qui interviennent en contact direct et prolongé avec les conjoints à comportements violents au sein d’associations principalement psychothérapeutiques ou d’associations médico-sociales.

Deux façons d’intervenir auprès des conjoints violents 

En France, le cadre légal pose deux façons d’intervenir auprès des conjoints violents : le stage de responsabilisation, sorte de rappel à la loi d’une durée de deux ou trois jours, et la prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique. Plus longue et plus individualisée, ses modalités sont très différentes selon les territoires. 

Il n’existe pas de référentiel national de prise en charge des conjoints violents

« Ainsi, il n’existe pas de référentiel national de prise en charge des conjoints violents. Alors sans cadre guidant la pratique, comment les professionnels font-ils ? Quelle est selon eux la "bonne" prise en charge ? Et quelle est la place du genre dans leurs discours ? », interroge Jessica Blouin.

Le croisement des entretiens lui permet de faire ressortir différents éléments. Par exemple, pour les professionnels interrogés, le sentiment de réussite de la prise en charge est majoritairement corrélé aux changements de comportements et de discours qu’ils observent dans le cadre du dispositif. La mesure de la récidive n’est quasiment pas évoquée, et la prise en compte du point de vue de la victime n’est jamais mentionnée. Par ailleurs, le travail de responsabilisation est moins tourné vers l’enjeu du « rendre compte » à autrui (la victime et la communauté), que vers l’amélioration de la santé mentale, et de la vie matérielle et sociale des hommes pris en charge.

Une vision du genre partielle ou négative

Autre constat qui étonne la jeune chercheuse : l’absence de prise en compte de l’enjeu du genre. Les professionnels ne sont pas formés à ces questions et en ont une vision partielle ou négative, la prise en charge est uniquement basée sur leur référentiel métier : psychothérapie et éducation spécialisée. La compréhension des violences conjugales ne se fait qu’à l’échelle individuelle (répétition transgénérationnelle de la violence , addictions, etc.) ou interpersonnelle (problèmes de communication au sein du couple...). Le sentiment d’identité masculine, fruit d’une construction sociale, et tout ce qu’il génère chez les hommes pris en charge, n’est pas envisagé dans une perspective sociologique.

Leur propre identité de genre a un impact sur leurs interactions avec les hommes prise en charge

L’enjeu concerne également les professionnels eux-mêmes. Ils perçoivent bien que leur propre identité de genre a un impact sur leurs interactions avec les hommes pris en charge. Les enquêtées femmes disent que leur parole est moins prise au sérieux que celle de leurs collègues masculins. Les enquêtés hommes, eux, disent qu’ils peuvent être invités par les conjoints pris en charge à entrer en connivence avec eux, rapporte Jessica Blouin pour qui l’approche par le genre représente un outillage complémentaire indispensable à l’amélioration de la prise en charge des conjoints violents en France.

Forte de ce prix, Jessica Blouin aimerait entrer en thèse Cifre (Convention industrielle de formation par la recherche) pour poursuivre ses travaux sur la prise en charge des conjoints violents en France.  En parallèle, elle construit des actions à destination de professionnels intervenant dans ce domaine et travaille à temps partiel au Planning familial 68.

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