Par la rédaction
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ERC Advanced : deux chercheurs strasbourgeois lauréats

Nicolas Giuseppone, professeur de chimie à l’Université de Strasbourg et chercheur à l’Institut Charles-Sadron (CNRS) et Joseph Schacherer, chercheur au laboratoire de génétique moléculaire, génomique et microbiologie (Unistra/CNRS), sont tous deux lauréats d’un prestigieux ERC Advanced, délivré par l’Union européenne.

Nicolas Giuseppone : développer des machines moléculaires artificielles, un concept de miniaturisation issu de la chimie supramoléculaire et des nanotechnologies

Telles les machines de taille classique, leurs analogues moléculaires sont des systèmes capables d’absorber de l’énergie, chimique ou lumineuse, pour la restituer de manière utile, instantanément ou ultérieurement, via un travail mécanique. Le monde du vivant regorge de milliers de ces moteurs moléculaires qui coupent, déplacent et synthétisent des éléments biologiques. Les chimistes sont aujourd’hui capables de synthétiser les premières machines moléculaires artificielles, qui pourraient révolutionner divers secteurs technologiques tels que le traitement médical, la conception de nouveaux matériaux et la conversion de l’énergie. Mais personne ne sait encore vraiment comment les utiliser efficacement. Le projet de recherche ERC Advanced de Nicolas Giuseppone vise à repousser les limites scientifiques actuelles en explorant de nouvelles directions technologiquement pertinentes. Pour cela, il est essentiel de concevoir des solutions innovantes permettant de coupler ces machines nanométriques (de l’ordre du millionième de millimètre) afin de tirer parti de leur travail collectif jusqu’à l‘échelle de notre quotidien. Ce couplage se fera notamment par l’intégration de ces moteurs dans des systèmes supramoléculaires pouvant donner naissance à une nouvelle génération de matériaux actifs, capables de changer de forme et de propriétés ou encore de se déplacer de manière autonome lorsqu’ils sont alimentés en énergie.

Ce financement ERC Advanced de 2,5 millions d’euros offrira l'opportunité de faire travailler une dizaine de chercheurs pendant cinq ans sur cette problématique devenue très compétitive dans le domaine des nanotechnologies.

Ce prix est d’abord une reconnaissance internationale majeure qui récompense les travaux de notre équipe depuis une dizaine d’année dans le domaine. C’est aussi une opportunité énorme qui nous est donnée de nous consacrer pleinement à un sujet de recherche sur une période assez longue avec la possibilité d’impacter de manière significative ce domaine scientifique en émergence, explique Nicolas Giuseppone.

Nicolas Giuseppone est professeur de classe exceptionnelle à l’Université de Strasbourg et membre de l’Institut Universitaire de France. Il dirige une équipe de recherche au CNRS depuis 2008 à l’Institut Charles-Sadron. Il est lauréat de nombreux prix scientifiques, dont la Médaille d’Argent du CNRS en 2024.

Joseph Schacherer : mieux étudier les bases génétiques qui font de nous des êtres uniques et si différents

Comprendre comment les différences génétiques entre individus d’une même espèce expliquent la diversité des caractères (encore appelés traits) reste un défi majeur en biologie. Grâce aux avancées en génomique, notamment au séquençage systématique et complet des génomes, les chercheurs ont pu détecter et relier des milliers de variants génétiques (mutations) à divers traits, y compris certaines maladies humaines. Pourtant, ces variants n’expliquent souvent qu’une petite part des différences observées : on parle d’héritabilité manquante.

Plusieurs pistes peuvent expliquer cette énigme : des types de variations génétiques encore mal explorés (comme les grands réarrangements au niveau des génomes), la difficulté à détecter des variantes rares, des interactions complexes entre gènes ou encore l’influence de l’environnement.

Le projet soutenu par l’ERC vise à mieux comprendre l’origine de cette héritabilité manquante en utilisant la levure, un organisme modèle simple mais très utile. En étudiant de grandes populations d’individus, les chercheurs vont dresser une carte complète des variants génétiques et des traits associés. Ils intégreront aussi des données d’expression de gènes et des analyses à l’échelle de la cellule unique, pour avoir une meilleure compréhension de la relation entre génomes et caractères. L’objectif final sera d’intégrer l’ensemble des données générées pour développer une stratégie se basant sur l’intelligence artificielle afin de pouvoir prédire les caractères sur la base des génomes.

Ainsi, ce travail permettra de mieux relier le génome aux caractéristiques observées, en révélant des mécanismes encore invisibles. À terme, il pourrait aider à mieux prédire les traits complexes chez d’autres espèces, y compris l’humain.

Ce financement ERC de 2,5 millions d’euros offrira l'opportunité de générer et de produire des données à grande échelle (big data) sur de large population d’individus. Ces données permettront par la suite de mettre en place des stratégies basées sur l’intelligence artificielle afin de faire des prédictions.

Ce financement va nous permettre d’explorer des aspects encore inaccessibles de la relation génotype-phénotype, ouvrant la voie à une prédiction précise des traits complexes à partir des génomes, explique Joseph Schacherer.

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