Par Marion Riegert
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Deux Strasbourgeoises récompensées par le prix Jeunes talents France L'Oréal-Unesco

Coline Portet, doctorante au Laboratoire de neurosciences cognitives et adaptatives (LNCA – CNRS/Unistra) et Anna Zhuravlova, de l’Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires (Isis – CNRS/Unistra) comptent parmi les 34 chercheuses récompensées par le 19e prix Jeunes talents France L'Oréal-Unesco Pour les femmes et la science.

Comprendre ce qui se passe dans le cerveau durant le sommeil

J’ai adoré travailler sur le sommeil et la mémoire. Il se passe des choses incroyables lorsqu’on dort, c’est là que se produisent certaines des plus « belles » activités électriques dans le cerveau, qui trient et organisent les données accumulées durant la journée, confie Coline Portet. 

La doctorante réalise sa thèse en neurosciences au LNCA sur les mécanismes cérébraux qui permettent de consolider les souvenirs pendant le sommeil. Des mécanismes qui seraient en partie permis grâce à une région « intrigante et mystérieuse » peu connue des scientifiques, le claustrum. 

Durant ses travaux, Coline Portet est parvenue à maintenir dans un modèle animal des souvenirs. J’ai fait réaliser des tâches complexes à des souris. En activant la région du claustrum durant leur sommeil, elles se souvenaient de certains éléments de cette tâche le lendemain qu’elles auraient normalement dû oublier, raconte la doctorante qui aimerait poursuivre ces travaux sur l’humain. Mieux comprendre les mécanismes et implications de cette région permettra d’ouvrir des pistes de recherche dans des maladies où la mémoire dysfonctionne comme pour la maladie d’Alzheimer, dans les maladies associées à des troubles du sommeil ou dans des cas de stress post-traumatique.

Le financement de 15 000 euros du prix L'Oréal-Unesco arrive au bon moment pour faire la transition entre la fin de sa thèse, qu’elle soutiendra le 12 décembre, et l’après. Cette aventure est pour elle une fierté et une surprise. J’ai passé une semaine avec les autres lauréates, nous étions un peu dans une bulle.

« Nous étions très fières les unes des autres »

L’occasion de tisser des liens forts et développer un grand réseau de femmes scientifiques. Ça nous a donné plus de confiance en nous et en nos choix, l’impression que ce que l’on fait a de la valeur. Nous étions très fières les unes des autres. Fières aussi de toutes les femmes qui font des sciences !, souligne Coline Portet qui précise que toutes les femmes ne sont pas logées à la même enseigne. Ça dépend des filières. En biologie, il y a beaucoup de femmes, mais parfois pas assez, notamment dans les sphères décisionnelles…

Des capteurs chimiques pour surveiller la qualité de l’eau et de l’air

Après notamment un passage par le Johnson Space Center de la Nasa où elle étudie l’atmosphère de Mars et l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire (Cern), Anna Zhuravlova réalise un double diplôme entre son pays d’origine, l’Ukraine, et l’Université de Strasbourg, avant de poursuivre en thèse à l’Isis. 

A l’interface entre chimie et physique, elle développe des nanomatériaux semi-conducteurs bidimensionnels destinés à élaborer des capteurs chimiques pour surveiller la qualité de l’eau ou de l’air. À long terme, l’objectif est de créer des capteurs très sensibles et des composants électroniques imprimables, simples à fabriquer qui seraient intégrables dans des objets connectés.

Durant sa thèse, elle réalise plus précisément un capteur sensible aux métaux lourds dans l’eau et étudie la variation de sa conductivité électrique. Dans le cadre de son post-doctorat, qu’elle effectue actuellement à Isis, elle travaille sur un capteur capable de repérer plusieurs polluants à la fois. 

Le prix est pour elle une belle reconnaissance. Ça m’a donné confiance en moi et m’a assuré que j’ai ma place dans le monde de la recherche. J’ai pu rencontrer d’autres lauréates inspirantes. La dotation va lui permettre d’assister à des conférences et de réaliser des stages à l’étranger. 

« Comme si nous étions toujours trop ou pas assez à la fois »

Être une femme en science peut être plus difficile. C’est comme si nous étions toujours trop ou pas assez à la fois. Si vous vous affirmez, on vous le reproche, mais si, à l’inverse, vous êtes timide, c’est que vous n’êtes pas faite pour ce métier. Nous sommes conditionnées depuis toutes petites à croire que nous étions moins destinées à certaines voies... Cependant, Il faut travailler sa confiance en soi, croire en soi ! Pas à pas, j’espère que les choses vont changer.

34 jeunes chercheuses récompensées

Biologie, physique, chimie, mathématiques, informatique, ingénierie, sciences de la Terre et de l'Univers… issues de toutes les régions de France métropolitaine et d'outre-mer et travaillant dans des disciplines variées, les 34 jeunes scientifiques récompensées lors de cette 19e édition ont été sélectionnées parmi près de 700 candidates par un jury de plus de 30 membres de l’Académie des sciences. Grâce à ce prix, elles vont rejoindre l’une des plus grandes communautés de femmes scientifiques dans le monde avec plus de 4 700 chercheuses originaires de plus de 140 pays.

Malgré des progrès ces dernières années, les femmes restent sous-représentées dans les carrières scientifiques, particulièrement aux postes à responsabilités. Selon le dernier rapport de l’Unesco, les femmes ne représentent toujours que 29,7% de l’effectif total de chercheurs en France. 

Ce prix, créé en 2007, fait partie du programme L’Oréal-Unesco Pour les femmes et la science, débuté en 1998 et construit sur une approche globale pour contribuer à combler l’écart entre les genres dans le domaine scientifique.

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