Par Mathilde Hubert
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« L’interdisciplinarité favorise des solutions plus innovantes et adaptées aux défis contemporains »

L’interdisciplinarité devient un outil incontournable dans le développement de la recherche et de la formation pour faire face aux grands défis actuels. L’événement « Construire l’interdisciplinarité : expériences et perspectives », organisé le 10 mars 2025 à l’Université de Strasbourg, a permis d’explorer les avancées et défis liés à cette approche. Conférencière invitée, Bianca Vienni-Baptista, spécialiste de l’interdisciplinarité et membre du jury d’évaluation à mi-parcours des Instituts thématiques interdisciplinaires (ITI) en 2024, a partagé son expertise. Elle est cheffe de l’équipe Études culturelles de la science et de la technologie et enseigne au laboratoire de transdisciplinarité à l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH Zurich).

En quoi l’interdisciplinarité est-elle une approche pertinente et comment garantir son impact ?

L’interdisciplinarité permet de mieux appréhender des problèmes complexes en croisant les approches et méthodologies de différentes disciplines. Elle favorise ainsi des solutions plus innovantes et adaptées aux défis contemporains. Pour être efficace, elle doit s’appuyer sur trois piliers : une structuration institutionnelle solide, une reconnaissance des contributions individuelles et collectives ainsi qu’un soutien financier et administratif adapté.

L’un des éléments clés est la création d’espaces de dialogue où les chercheurs peuvent confronter leurs méthodologies, leurs langages et leurs référentiels théoriques. Il est également essentiel de proposer des formations spécifiques, aussi bien pour les enseignants-chercheurs et chercheurs confirmés que pour les doctorants et post-doctorants, afin de leur donner les outils nécessaires pour évoluer dans ces contextes à la croisée des disciplines. De plus, des formations destinées aux étudiants sont cruciales pour favoriser l’intégration des différents savoirs et leur permettre de développer une pensée interdisciplinaire dès leur cursus initial. Enfin, pour garantir un impact concret, ces démarches doivent s’inscrire dans une logique de co-construction avec les acteurs de la société : entreprises, institutions publiques ou associations citoyennes.

Comment percevez-vous l’évolution des ITI, vecteurs de l’interdisciplinarité à l’Université de Strasbourg et quelles recommandations formulez-vous pour leur développement futur ?

Les ITI constituent une initiative ambitieuse, témoignant d’une volonté forte de structurer la recherche interdisciplinaire. Depuis leur lancement, en 2021, ils ont significativement contribué à renforcer les interactions entre sciences humaines et sociales, sciences et technologies ainsi que sciences de la vie et de la santé. Cette dynamique a permis de favoriser l’émergence de collaborations inédites ainsi que de nouvelles méthodologies de recherche et de formation. Le renforcement du lien entre formation et recherche constitue un des leviers essentiels de la programmation ITI. En impliquant davantage les étudiants à travers des dispositifs pédagogiques innovants et des expériences immersives au sein des laboratoires, ces instituts peuvent favoriser l'émergence d'une nouvelle génération de chercheurs capables d’acquérir une vision globale des défis de société et d’imaginer des solutions prometteuses.

« Favoriser l'émergence d'une nouvelle génération de chercheurs capables d’acquérir une vision globale des défis de société et d’imaginer des solutions prometteuses »

Dans une perspective d’évolution continue, un approfondissement des dispositifs d’évaluation, tenant compte des spécificités de l’interdisciplinarité, pourrait constituer un autre levier important. Adapter les indicateurs d’impact afin de mieux refléter la complémentarité des approches et l’innovation méthodologique permettrait de mieux valoriser les contributions interdisciplinaires. Si les dynamiques existantes au sein des unités de recherche jouent déjà un rôle essentiel, un soutien accru aux jeunes chercheurs et aux collaborations internationales pourrait contribuer à inscrire davantage, ou d’une nouvelle manière, ces instituts dans des réseaux de recherche de premier plan.

Quels sont les principaux défis auxquels l’interdisciplinarité est confrontée aujourd’hui ? Et quelles perspectives offre-t-elle ?

L’un des principaux défis réside dans la reconnaissance institutionnelle de l’interdisciplinarité. Aujourd’hui, les carrières des chercheurs sont majoritairement évaluées selon des critères disciplinaires, ce qui peut parfois limiter l’engagement dans des projets transversaux. Afin de mieux encourager ces dynamiques, les universités pourraient renforcer les dispositifs de valorisation spécifiques, en intégrant des parcours de carrière adaptés et une reconnaissance accrue des productions interdisciplinaires.

La gestion des projets interdisciplinaires peut également être complexe en raison des différences de temporalité, de méthodologie et d’objectifs entre disciplines. Un accompagnement administratif et des plateformes dédiées à la gestion collaborative peuvent faciliter ces processus.

Enfin, l’interdisciplinarité ne doit pas être une finalité en soi mais un levier pour enrichir la recherche et son impact. Elle permet d’explorer de nouvelles manières de produire des connaissances et de relier la recherche aux enjeux sociétaux. En encourageant les collaborations entre enseignants-chercheurs, chercheurs, acteurs locaux et citoyens, elle offre des perspectives de transformation institutionnelle et sociale. À long terme, elle pourrait même redéfinir le rôle et la place de l’université dans la société.

Une recherche dédiée à l’interdisciplinarité au sein des ITI

À l’occasion du lancement de la seconde phase des ITI, Catherine Florentz, vice-présidente Prospective et actions stratégiques, a annoncé un futur projet de recherche dédié à mieux comprendre les enjeux de mise en place de l’interdisciplinarité au sein de ces instituts et plus largement au sein de l’Université de Strasbourg. Bianca Vienni-Baptista a été sollicitée pour documenter les pratiques existantes, identifier les facteurs favorisant ou freinant ces démarches et proposer des pistes pour structurer durablement ces dynamiques interdisciplinaires.

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