« La méconnaissance est au fondement des idées reçues sur l’Europe »
Trop complexe, technocratique, menant des politiques trop libérales ou trop coûteuses... À l’approche des élections européennes, qui auront lieu du 6 au 9 juin, les critiques sur l’Union européenne (UE) font florès. Alors même que les sondages prévoient une forte poussée des formations populistes, focus sur les actions de la chaire Jean-Monnet « Information, désinformation et construction européenne : approches historiques » (IDECE), domiciliée à l’IUT Robert-Schuman.
Son objectif, nous rappelle son titulaire Martial Libera, professeur des universités en histoire contemporaine au département Information-Communication de l’IUT Robert-Schuman, est de mieux faire comprendre ce qu’est l’Europe communautaire. Pour ce faire, la chaire déploie trois types d’actions : enseigner l’Europe à des étudiants peu sensibilisés aux thématiques européennes ; participer aux recherches sur l’Europe communautaire ; diffuser les acquis de la recherche sur l’Europe à un large public.
Enseigner l’Europe aux étudiants des établissements de l’enseignement supérieur technologique
C’est un objectif essentiel pour la chaire ! Les préjugés sur l’Union européenne (UE) prospèrent en effet sur la méconnaissance des citoyens. Or, les étudiants du département Information-Communication de l’IUT Robert-Schuman, souvent issus de l’enseignement secondaire technologique, connaissent mal l’Europe. Pour armer ces futurs communicants, la chaire leur propose des cours sur l’histoire, les institutions et les politiques de l’Europe communautaire. Elle les amène par ailleurs, dans le cadre d’une pédagogie par projet, à tourner des capsules pédagogiques à destination de leurs camarades des 112 autres IUT français sur différentes thématiques européennes. Pour tourner leurs vidéos, les étudiants peuvent compter sur l’appui pédagogique et technique des collègues du C@fé (Centre d’aide à la formation et aux études) – Jonas Braun, puis Mirana Jensen ainsi que Sébastien Magnan – et du Rapid Mooc, un mini studio d’enregistrement. Tout au long des trois années de la chaire, qui s’achève cet automne, les étudiants ont travaillé sur trois grands thèmes : les institutions de l’UE ; les politiques européennes ; l’Europe face au monde. Évaluées par les membres de la chaire – une quinzaine de collègues du département et d’autres universités, en France et en Europe –, les capsules de qualité sont « labellisées » et diffusées sur le site et les médias sociaux de l’IUT et de la chaire.
Faire avancer la recherche sur l’Europe autour des thématiques d’information et de désinformation
À l’heure de l’infobésité, de la multiplication des fake news, la chaire a contribué, dans une perspective historique, à l’avancée de la recherche sur le rôle de l’information et de la communication sur l’Europe par trois colloques internationaux, organisés au premier semestre de cette année au Parlement européen. Le premier (1er et 2 février) s’est interrogé sur la façon dont les acteurs pro ou anti-européens informent et/ou communiquent sur l’Europe et a analysé les médias utilisés comme le contenu des messages diffusés. Le deuxième colloque (4 avril) s’est saisi de la question récurrente visant à comprendre ce que les médias disent de l’Europe. De façon contre-intuitive, il a montré que l’Europe n’est pas toujours le parent pauvre des informations transmises par les médias. Le troisième et dernier colloque, qui aura lieu les 13 et 14 juin, traitera d’une question d’actualité : les populismes et l’Union européenne. Réunissant des intervenants issus de différentes disciplines des sciences humaines et sociales, ces manifestations scientifiques sont également ouvertes à un large public.
Diffuser les acquis de la recherche à l’opinion publique
Faire progresser les connaissances sur l’UE et la compréhension de ses institutions, de son fonctionnement et de ses buts, de ses politiques par le plus grand nombre est en effet un objectif essentiel de cette chaire Jean-Monnet. Pour Martial Libera, cela reste le meilleur moyen pour lutter contre les idées reçues.
Le meilleur moyen pour lutter contre les idées reçues
À cet effet, la chaire vient de publier, aux éditions parisiennes du Cavalier Bleu, un petit livre collectif intitulé Idées reçues sur l’Union européenne, destiné à tout citoyen voulant s’informer sur ce qu’est réellement l’UE. Rédigé par une douzaine de spécialistes des questions européennes, cet ouvrage propose de déconstruire les idées reçues, celles véhiculées par les eurosceptiques bien sûr, comme celles diffusées par les « euro-idolâtres », pour proposer en quelques pages des mises au point claires et factuelles sur une petite vingtaine de questions qui font débat autour de quatre grands thèmes : les valeurs et les principes de l’UE ; ses institutions et sa gouvernance ; ses politiques sectorielles ; enfin, sa place et son rôle dans le monde (lire ci-dessous). Cet automne, c’est par un Mooc que la chaire poursuivra cette tâche de productions consolidées.
L'UE a investi dans de nombreux projets de l’Université de Strasbourg à destination des étudiants, des chercheurs... Découvrez-les grâce à six témoignages dans la vidéo « L'Europe donne des ailes à l'Université de Strasbourg ».
« Erasmus, le plus beau succès de l'Europe »
Inscrit dans la mémoire collective grâce à L’Auberge espagnole, film culte de Cédric Klapisch sorti en 2002, le programme Erasmus est certainement la politique de l’Europe communautaire la plus connue, souvent considérée comme sa plus grande réussite. Et c’est vrai qu’Erasmus est un succès ! Lancé en 1987, Erasmus permet aux étudiants européens d’étudier à l’étranger durant un semestre ou une année.
Le programme est très profitable aux bénéficiaires. Ils renforcent leurs compétences linguistiques, professionnelles et transversales. Ils s’ouvrent au monde, à la langue et à la culture d’un autre pays européen. Ils développent leur conscience et leur citoyenneté européennes. Ils nouent des liens amicaux avec des ressortissants des pays hôtes ou avec d’autres étudiants étrangers. Ils y rencontrent parfois leur conjoint et les « bébés Erasmus » sont nombreux. Bref, comme le dit la citation, « Erasmus n’est pas une année dans ta vie, mais une vie dans une année ».
Depuis sa création, Erasmus a profité à 12,5 millions de jeunes. C’est là la principale limite de ce programme qui ne concerne qu’une toute petite minorité d’étudiants, sélectionnés, pour l’essentiel, sur des critères socio-culturels et financiers comme sur des types d’établissements d’enseignement supérieur, souvent sélectifs et élitistes. En ce sens, Erasmus conforte la fracture des sociétés européennes vis-à-vis de l’Union européenne : d’un côté, la population aisée qui en tire parti ; de l’autre, celles et ceux, moins bien dotés socialement et professionnelement, qui n’y accèdent que très peu.
L’ouverture accrue du programme Erasmus + depuis 2004 à d’autres profils que les étudiants – lycéens, apprentis et stagiaires, enseignants, demandeurs d’emploi, etc. – est assurément une bonne chose. Reste à savoir si la diversification permise par Erasmus + va réussir à inverser ces tendances lourdes.
Synthèse du texte de Martial Libera initialement paru dans l'ouvrage collectif Idées reçues sur l'Union européenne
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