Par Marion Riegert
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Enquête sur le lien entre spiritualité, religion et écologie

Dans le cadre d’un appel à projets de l’Université de Lausanne autour des économies d’énergie, Christophe Monnot, maître de conférences en sociologie du protestantisme à la Faculté de théologie protestante, note que les dispositions religieuses peuvent aider le public à faire plus facilement le lien entre gestes d’économie d’énergie et crise climatique. Une observation dont il fait une enquête soutenue par le Fonds national suisse (FNS) de la recherche scientifique : « Vers une spiritualisation de l’écologie ? », de 2017 à 2021, avec un colloque prévu à Strasbourg en juin 2023.

Après un premier projet pour comprendre si spiritualité et Eglise sont des carburants vers la transition énergétique, Christophe Monnot se lance dans cette nouvelle enquête au côté d’Irene Becci, professeur à la Faculté de théologie et sciences des religions de l’Université de Lausanne, de Salomé Okoekpen et Alexandre Granjean, doctorants. Ensemble, ils passent près de quatre ans sur le terrain à observer des festivals en lien avec l’écologie comme Alternatiba à Genève ou des projets à l’image de jardins partagés comme celui mis en place par les membres d’une paroisse dans le bourg de St-Imier. Ils mènent également une soixantaine d’entretiens auprès d’acteurs clés de l’écologie et de la transition climatique.

Les questions écologiques avec les grèves pour le climat ont poussé l’engagement dans un domaine plus politisé

Chose rare, le terrain qui d’ordinaire se dérobe aux chercheurs, vient à eux. Beaucoup de personnes nous ont contacté lorsqu’elles ont entendu parler de notre projet, ça a été de très belles années de recherche et d’observation, raconte le chercheur enthousiaste qui précise que le terrain a beaucoup changé. Au départ, les acteurs spirituels et religieux semblaient une alternative à l’engagement politique, mais les questions écologiques avec les grèves pour le climat soutenues par la plupart des Eglises historiques ont poussé l’engagement dans un domaine plus politisé.

S’occuper du grand tout

De ces observations les chercheurs font émerger deux types de spiritualités dont les pratiquants présentent le même profil. Plutôt de la gauche progressiste, éduqués, bourgeois, non issus de l’immigration. D’un côté, les spiritualités alternatives pro-environnement avec des personnes qui pratiquent la méditation, le néo-chamanisme, le néo-druidisme, tout ce qui est autour de Gaïa, la Terre. Ces dernières sont nées dans les contre-cultures de la fin des années 60.

En 2010, beaucoup de ces spiritualités tournées vers la méditation intègrent une dimension écologique qui devient centrale. Ainsi, elles ne poussent plus uniquement au bien-être personnel mais aussi à des actions pour le climat, il n’est plus question de s’occuper que de soi, mais de s’occuper du tout.

Dès les années 1970, des travaux pionniers du Conseil œcuménique des Eglises interpellent sur l’écologie

De l’autre, la spiritualité chrétienne engagée dans une réflexion en faveur de l’environnement. Dès les années 1970, des travaux pionniers du Conseil œcuménique des Eglises interpellent sur l’écologie (on verra même des commissions mixtes Coe-Onu sur le climat dans les années 1980). Malheureusement ce travail est resté au niveau des élites et n’est pas descendu jusque dans les pratiques locales. Actuellement, on observe de nombreux acteurs chrétiens qui agitent les paroisses et les Eglises pour faire bouger les lignes, mais de manière non dogmatique.

La nature un concept vague ouvrant la porte au spirituel

Notre équipe a pensé au départ que l’Eglise se mettait à l’écologie pour ne pas perdre ses membres, nous avons plutôt constaté que ce sont les membres qui poussaient à l’engagement écologique. Le concept de nature étant protéiphorme, il ouvre la porte à des interprétations où la spiritualité peut être facilement intégrée.

Les chercheurs notent par ailleurs une utilisation par les acteurs écologiques du langage religieux et spirituel pour parler de la nature. Pour simplifier et rendre leur message audible lorsqu’ils doivent décrire une crise. Mais ils ne le font pas dans une dimension apocalyptique mais plutôt en mettant en avant l’engagement. Les écologistes sont d’accord pour sacraliser la nature si cela amène un engagement politique mais la militance compte d’abord, conclut le chercheur qui note que la crise du Covid a ramené les gens chez eux, mais pour combien de temps ?

Un colloque et des livres en préparation

Un colloque est prévu le 1er et le 2 juin autour des questions de spiritualité et d’écologie.

Des podcasts, un site, ainsi que plusieurs livres découlant de cette recherche sont disponibles :

  • Irene Becci (ed.) Vers une spiritualisation de l’écologie ? Parcours, rencontres et diffusion de sensibilites écologiques en Suisse, Zurich,Seismo, 2023
  • Grandjean, Alexandre, Arboresence. Les voix de l’écologie spirituelle, Vevey, Hélice Hélas éditeur, 2022.
  • Monnot, Christophe et  Frédéric Rognon (eds.), La nouvelle théologie verte, Genève, Labor et Fides, 2021.
  • Monnot, Christophe et  Frédéric Rognon (eds.), Eglises et écologie. Une révolution à reculons, Genève, Labor et Fides, 2020.

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