Par Marion Riegert
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Une opération chirurgicale inédite permet de préserver la fertilité d’une patiente atteinte d’un cancer

En déplaçant l’utérus d’une jeune femme de 24 ans atteinte d’un cancer très rare au niveau de la cloison recto-vaginale, l’équipe de Cherif Akladios, chercheur en cancérologie et chef du pôle de gynécologie, obstétrique et fertilité des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, est parvenue à préserver sa fertilité pendant la radiothérapie. Une première à l’échelle mondiale dans cette indication.

Quand la patiente est venue consulter dans notre service, elle ne parvenait pas à avoir de rapports sexuels et avait déjà rencontré une dizaine de médecins sans parvenir à avoir un diagnostic, raconte Chérif Akladios qui précise que l’endométriose est aussi un temps envisagé. Finalement, une biopsie permet de mettre en évidence un sarcome au niveau de la cloison recto-vaginale, un type de cancer extrêmement rare à cet endroit et à cet âge.

S’ensuit un parcours de soins classique : une chimiothérapie qui se termine début 2024 et permet de réduire la tumeur de 20 à 12 centimètres. Une réduction qui permet d’éviter l’ablation de l’utérus et de ses deux ovaires. Reste le problème de la radiothérapie, une technique basée sur l’irradiation qui aurait rendu la patiente stérile. 

Avoir ses règles par le nombril 

C’est là que Chérif Akladios a une idée un peu folle : remonter l’utérus au niveau du nombril pour éviter qu’il ne soit touché par les radiations. Certains collègues ont fait une drôle de tête lorsque je leur ai soumis mon idée. Quelques transpositions de l’utérus ont déjà eu lieu au Brésil et en Europe mais sur la paroi abdominale et une fois au niveau du nombril dans un contexte tout à fait différent.

Nous avons utilisé le principe de la stomie

En avril 2024, la jeune femme est opérée. L’utérus est libéré de ses attaches pelviennes et le col abouché au niveau de l’ombilic. Il reste relié aux artères ovariennes pour être vascularisé. Nous avons utilisé le principe de la stomie. La patiente était en ménopause artificielle durant le traitement, mais elle aurait pu tout à fait avoir ses règles par le nombril voire même tomber enceinte.

La partie postérieure du vagin avec la tumeur est également retirée et reconstruite à l’aide de tissus prélevés dans le corps de la patiente. Pour éviter que les intestins ne descendent dans le vide laissé et risquent d’être irradiés, les chirurgiens optent pour une prothèse d’expansion utilisée dans les reconstructions mammaires. Place ensuite à la radiothérapie.

De nouvelles perspectives dans le traitement des cancers

Désormais en rémission, la patiente a été réopérée le 3 décembre durant 4 heures afin de remettre l’utérus à sa place. L’opération s’est très bien passée ! Et depuis mercredi, la patiente est de nouveau debout ! Le risque était que les vaisseaux se soient rétractés durant la période où l'utérus était rattaché au nombril, précise Chérif Akladios qui évoque une grosse pression. 

La première fois qu’un protocole de ce type est imaginé pour une femme souhaitant conserver sa fertilité

C’est la première fois qu’un protocole de ce type est imaginé et pensé pour une femme souhaitant conserver sa fertilité. Cela ouvre de nouvelles perspectives dans le traitement des cancers de cette zone et notamment pour les enfants, conclut le chirurgien qui précise que la jeune patiente pourra accoucher par voie basse s’il elle le souhaite. Il faudra tout de même attendre trois ans pour être sûr qu’il n’y ait pas de récidives et que les tissus soient cicatrisés et consolidés.

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