Par Mathilde Hubert
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Les organoïdes : une voie vers la médecine personnalisée

Imaginez une petite structure en trois dimensions, dérivée d'une cellule souche embryonnaire ou d'une cellule souche induite à partir d’une cellule somatique, capable de modéliser et de recréer n'importe quel organe de notre corps de manière simplifiée. Focus sur les organoïdes.

Depuis un an et demi, nous travaillons spécifiquement sur les organoïdes de cerveaux, explique Caroline Spenlé, avec pour objectif de modéliser des pathologies telles que la sclérose en plaques et les gliomes, afin de mieux comprendre ces maladies et de tester l'efficacité de différents traitements médicamenteux.
Caroline Spenlé, maître de conférence à l’Ecole supérieure de biotechnologie de Strasbourg et chercheuse dans l’équipe du Professeur Bagnard et Céline Braïni, chercheuse à Inovarion, toutes deux membres de l’Institut thématique interdisciplinaire du Médicament de Strasbourg (IMS) mènent ensemble des travaux de recherche sur ces modèles d’organes.

Un modèle plus complet que les simples cultures cellulaires en deux dimensions

Pourquoi les organoïdes sont-ils si précieux dans ce domaine ? Parce qu'ils offrent un modèle plus complet que les simples cultures cellulaires en deux dimensions. Grâce à leur structure tridimensionnelle, ils permettent une meilleure simulation des interactions cellulaires et des réponses aux médicaments.  Nous effectuons une première sélection des traitements de manière virtuelle (in silico), puis nous les testons sur les organoïdes en laboratoire (in vitro), détaille la chercheuse.

Cependant, le développement d'organoïdes n'est pas une tâche aisée.  Ils nous faut entre 40 et 70 jours pour les cultiver, et le processus implique plusieurs étapes complexes. Nous pouvons citer la culture de cellules souches pluripotentes induites, l'induction de corps embryonnoïdes, une agrégation des cellules-souches qui forment une structure en trois dimensions similaire à un embryon, et enfin le traitement avec différents cocktails de facteurs de croissance pour différencier les cellules et former les organoïdes, ajoute Caroline Spenlé. Malgré ces défis, les organoïdes représentent un outil précieux pour la recherche médicale, offrant un modèle robuste et reproductible.

Nous pouvons tester plusieurs molécules simultanément sur les organoïdes, ce qui accélère le processus de découverte de nouveaux médicaments

Pour cultiver les organoïdes, l’équipe de recherche s’appuie sur l'utilisation de puces microfluidiques, une technologie qui facilite la circulation de petits volumes de milieu de culture autour des organoïdes grâce à des microcanaux reliant différents puits. Cela nous permet non seulement d'automatiser les changements de milieu de culture, mais aussi d'imiter les conditions physiologiques du corps humain, notamment le flux sanguin détaille Céline Braïni. Cette technique, également appelée organe-sur-puce, ouvre la voie à une vascularisation homogène des organoïdes, grâce à des co-cultures contrôlées et à un contrôle en direct des différents paramètres physiologiques, mesurés à l’aide de l’intégration de capteurs. Et avec des robots de criblage, nous pouvons tester plusieurs molécules simultanément sur les organoïdes, ce qui accélère le processus de découverte de nouveaux médicaments.

Les organoïdes ne représentent cependant pas parfaitement les organes dans leur intégralité, et certaines limitations éthiques doivent être prises en compte, notamment en ce qui concerne l'utilisation de cellules souches embryonnaires.

Mais les applications des organoïdes sont nombreuses et prometteuses. Les scientifiques ont ainsi réussi à reproduire l’invasion de tumeurs cérébrales (glioblastomes) dans des organoïdes sains de cerveau en laboratoire. Et en analysant la réponse des organoïdes aux différents médicaments, il devient possible de choisir le traitement le plus efficace pour chaque patient, en fonction de sa propre biologie, ouvrant la voie à la médecine personnalisée.

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