Par Frédéric Zinck
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Course sous microscope

Du 24 au 25 mars, huit voitures moléculaires vont tenter de parcourir la plus grande distance sur un disque d’or de 8 mm de diamètre. Bienvenue à la deuxième édition du Nanocar Race, un défi scientifique international à l’échelle de l’atome pour décrypter les phénomènes physico-chimiques liés au déplacement contrôlé d’une voiture-molécule.

La première édition de cette course organisée par le Centre d'élaboration de matériaux et d'études structurales (Cemes) du CNRS a eu lieu en 2017. Henri-Pierre Jacquot de Rouville, chargé de recherches à l’Institut de chimie de Strasbourg (CNRS/Unistra) au sein du Laboratoire de synthèse des assemblages moléculaires multifonctionnels (LSAMM) y avait participé sous l’égide de l’Université de Toulouse. Le sujet de ma thèse, réalisée de 2007 à 2010, portait sur le contrôle du mouvement de rotation à l’échelle d’une molécule unique. La participation à cette course était une continuité à mes travaux de recherche. 

Le carburant ? Des électrons

Nous sommes à l’échelle du nanomètre, de l’ordre de 50 000 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu. L’observation directe n’est, bien sûr, pas possible. Tout se passe par l’intermédiaire d’un microscope à effet tunnel (Scanning Tunneling Microscope, STM), à une température de -270° C et dans des conditions ultravides (lire encadré). C’est dans ces conditions que se retrouve le véhicule nanométrique dont des électrons constituent le carburant.

Nous sommes à l’échelle du nanomètre, de l’ordre de 50 000 fois plus petit que le diamètre d’un cheveu.


Deux moyens de propulsions sont utilisés. Soit celui par collision inélastique où un flux d’électrons est bombardé directement sur le véhicule et lui fournit l’énergie nécessaire pour avancer. Soit celui par moment dipolaire. Ici, c’est un phénomène électrostatique qui est utilisé pour faire avancer la machine. Le déplacement de la molécule dépend de sa structure et de son interaction avec la surface. A l’image des travaux que nous menons au laboratoire, ces recherches étudient la manière dont la matière se structure et la façon dont elle se comporte à la surface , explique Henri-Pierre Jacquot de Rouville.
Contacté en 2018 par l’équipe organisatrice, Henri-Pierre Jacquot de Rouville avec le soutien de Valérie Heitz, directrice du laboratoire, décide de monter une équipe avec l’Institut de physique et chimie des matériaux de Strasbourg (IPCMS, CNRS/Université de Strasbourg).

Lors de la qualification de l'équipe à la Nanocar Race II

De gauche à droite : Jean-Pierre Launay (comité d'évaluation), Valérie Heitz (membre de l'équipe - Institut de chimie de Strasbourg - ICS), Hélène Nierengarten (comité d'évaluation), Guillaume Schull (membre de l'équipe - IPCMS), Christian Joachim (comité d'évaluation), Henri-Pierre Jacquot de Rouville (membre de l'équipe - ICS), Anna Roslawska (membre de l'équipe - IPCMS), Sonia Adrouche (étudiante de master 2) et le microscope à effet tunnel. Crédit : DR.

Huit équipes internationales

Travailler sur la manipulation de molécules uniques complexes implique plusieurs domaines de compétences. Le chimiste propose un design moléculaire, le théoricien modélise ses propriétés afin de prédire ses réactions. Des ajustements sont apportés par le chimiste qui synthétise ensuite la molécule pour que le physicien puisse la manipuler et la déposer sur la surface. L’objectif de cette collaboration est d’initier de nouveaux axes de recherche sur la mécanique moléculaire et les phénomènes optiques électriquement induits , ajoute-t-il. Au final, le bolide possède un design simple - deux roues, un axe - et est composé de 136 atomes, pour une longueur de 2,5 nm et une largeur de 1 nm.

Travailler sur la manipulation de molécules uniques complexes implique plusieurs domaines de compétences


Pour cette nouvelle édition, huit équipes internationales sont engagées. Au-delà de la course en elle-même, chaque équipe a ses propres objectifs de recherche. C’est un rendez-vous scientifique qui représente également un bon moyen de communiquer avec le public sur la recherche fondamentale et pourquoi pas de susciter des vocations scientifiques.

La NanoCar Race II se déroulera du 24 au 25 mars 2022 et sera retransmise en direct sur la chaine Youtube du Center for Advancing Electronics Dresden dans le cadre du projet Memo1.

La loupe du microscope

Le microscope à effet tunnel est composé d'une ou de plusieurs pointes. Elles permettent de scanner la surface de l’échantillon. Entre la pointe et la surface de l’échantillon, un courant constant est maintenu qui permet le passage d’électrons entre la surface de l’objet et la pointe : c’est l’effet tunnel. Quand la pointe survole un relief ou un creux, le courant varie et la hauteur de la pointe doit s’ajuster. C’est ce phénomène qui permet aux équipes d’établir le profil de la surface et, dans le cadre de la course, de repérer les machines moléculaires avant et après chaque mouvement.

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