Par Marion Riegert
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Missionnaires et communautés indigènes, une relation plus complexe qu’il n’y parait

A cheval sur les thèmes de l’Institut thématique interdisciplinaire Histoire, sociologie, archéologie et anthropologie des religions | Hisaar et du laboratoire Culture et histoire dans l'espace roman (Cher), le colloque « Missionnaires et communautés indigènes entre accommodation et intransigeance » invite à poser un autre regard moins manichéen sur l’évangélisation qui a eu lieu en Asie et en Amérique hispanique entre les 16e et 18e siècles. Et ce à travers une perspective historique et anthropologique.

L’évangélisation a souvent été étudiée de manière unilatérale en mettant en avant soit l’héroïcité de l’entreprise, soit la violence de la domination qu’elle implique, à l’issue de la confrontation entre un homme blanc civilisateur venant délivrer son message et un peuple indigène. Ce dernier, cantonné à une notion globale et réductrice, est souvent décrit soit comme passif soit au contraire comme totalement résistant, souligne Alejandro Valencia Vila, organisateur du colloque au côté de Jean-Noël Sanchez qui évoque une réalité bien plus nuancée avec une acclimatation et un processus de co-construction.

Les individus ont été transformés par l’expérience coloniale et y participent. Dans certains espaces, les communautés ont pu négocier avec les missionnaires pour maintenir leurs traditions, explique Jean-Noël Sanchez qui précise qu’il existe des documents écrits en langue indigène, dans lesquels on voit comment à travers la communication officielle les indigènes essayent de négocier un rapport de force qui les inclus. Violence il y a donc, mais la marge des individus pour y faire face, voire la dompter, existe.

La création d’un vocabulaire nouveau

L’évangélisation n’est par ailleurs pas uniforme et évolue entre le 17e et le 18e siècle avec un changement de politique en fonction des méthodes qui fonctionnent ou non et qu’il convient d’ailleurs d’adapter en fonction du contexte culturel propre à chaque espace géographique et humain. Il y a une notion d’adaptation culturelle au niveau des missionnaires et des indigènes, ce qui doit induire une réflexion sur la médiation politique et culturelle, précise Jean-Noël Sanchez.

L’arrivée des missionnaires dans ces pays a entraîné la création d’un vocabulaire nouveau

Autre aspect linguistique. L’arrivée des missionnaires dans ces pays a entraîné la création d’un vocabulaire nouveau, rapporte Alejandro Valencia Vila. Des termes chrétiens ont ainsi été inclus dans le vocabulaire des indigènes et inversement. On trouve également des commentaires en langue indigène de textes de théologie.

Le Mexique comme plateforme de lancement d’opérations missionnaires

Lors du colloque, pour approfondir ces questions, les chercheurs ont opté pour une approche comparatiste mettant pour chaque intervention deux scientifiques en regard : l’un travaillant sur l’Amérique, l’autre sur l’Asie. Les missionnaires espagnols passaient toujours par le Mexique avant de se rendre en Asie, notamment aux Philippines, en Chine ou au Japon. L’idée étant d’appréhender le Mexique comme plateforme de lancement d’opérations missionnaires dans l’espace asiatique dans lequel on s’attache à transposer un modèle développé en Amérique. Cela fonctionne aux Philippines, pas ailleurs. Le premier saint mexicain est d’ailleurs un martyr mort au Japon.

Le colloque qui a eu lieu fin 2023 marque le point de départ d’une collaboration autour de ces thématiques. Nous aimerions créer un consortium avec une réunion annuelle tournant dans les différents pays des chercheurs impliqués, conclut Jean-Noël Sanchez. Une École d'été est prévue en septembre à l'Universidad Nacional Autónoma de México au Mexique.

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