Par Marion Riegert
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[Poisson d'Avril] L’Observatoire astronomique de Strasbourg déménage au Champ du Feu

Exit pollution lumineuse et voracité énergétique. Bonjour ciel étoilé et sobriété, l’Observatoire astronomique de Strasbourg retourne à ses premières amours : l’observation du ciel. Pour ce faire, le bâtiment de la grande coupole sera déménagé au Champ du Feu. La cinquantaine de personnels de l’observatoire restée à Strasbourg s’installera pour sa part dans la salle du nouveau Planétarium qui compte 130 places. Explications avec Pierre-Alain Duc, directeur de l’Observatoire astronomique.

Les échafaudages ont pris place autour du bâtiment de la grande coupole qui abrite bureaux et salles de cours. Depuis un an maintenant, les ouvriers s’activent pour démonter les quelque milliers de pierres qui composent l'édifice de style néo-renaissance, construit entre 1877 et 1881 par les Allemands. « Nous disposons de plans de construction datant de la création de l’université allemande qui nous permettront de le remonter à l’identique (cf. encadré) au Champ du Feu », souligne Pierre-Alain Duc.

Point culminant du Bas-Rhin à quelque 1 100 mètres d’altitude, le lieu n’a pas été choisi au hasard. Situé au-dessus de la brume et loin de la pollution lumineuse de la ville, le Champ du Feu est déjà un des sites privilégiés pour les observations amateurs. Il est également facilement accessible grâce à un grand parking, glisse le directeur qui précise que le développement d’une collaboration avec des associations d’astronomes amateurs est prévue pour faire vivre le lieu en dehors des périodes de ski.

Cabanes dans les arbres et logements souterrains

L’observatoire retrouvera ainsi sa fonction première. Il n’y avait plus eu d’observations du ciel depuis la fin des années 1960. A sa création, son premier directeur, August Winnecke, avait déjà proposé sans succès que les instruments astronomiques soient implantés sur une hauteur à l’écart de la ville pour éviter la pollution lumineuse. Entre-temps, nous nous étions tournés vers l’analyse des données à partir des informations fournies par les télescopes et autres satellites, explique Pierre-Alain Duc.

Nous nous sommes inspirés de l’hôtel de l’Observatoire Paranal au Chili

La cinquantaine de chercheurs et personnels qui se rendront sur place pour mener les observations bénéficieront de cabanes dans les arbres et de logements souterrains écoresponsables. Avec interdiction d’allumer les lumières entre 21 h et 5 h du matin pour éviter tout parasitage lumineux. « Nous nous sommes inspirés de l’hôtel enterré de l’Observatoire Paranal au Chili que l’on voit notamment dans le James Bond Quantum of Solace. »

Réutiliser les instruments du 19e siècle

Côté instruments, pas de nouvel investissement. L’observatoire s’inscrit dans une recherche-action visant à réutiliser les instruments du 19e siècle dont nous disposons déjà, parmi lesquels des cartes du ciel, des astrolabes ou encore la lunette astronomique qui est lors de son installation, la plus grande d’Allemagne.

Pour ne pas trop dépayser les personnels, écureuils et moutons qui évoluent dans le parc seront également emmenés sur le site. Quant aux deux autres bâtiments de l’observatoire, le bâtiment Sud et Est, ils seront revendus pour financer les travaux.

Un plan d’accompagnement au changement pour préparer les équipes

L’autre moitié du personnel restée sur place pourra travailler au sein du nouveau Planétarium. Ce dernier dispose d’une grande salle de 130 places, ce sera largement suffisant. Les projections du ciel sur son magnifique dôme-écran permettront aux chercheurs de visualiser le fruit de leurs travaux  ou de les inspirer dans leurs recherches. Un plan d’accompagnement au changement est prévu pour préparer psychologiquement les équipes, se réjouit Pierre-Alain Duc qui transitera entre les deux sites.

Interrogés, les chercheurs semblent adhérer au projet. Le fait d’être dans une même salle, ça va renforcer les interactions et même, qui sait, créer de nouvelles collaborations, sourit Sébastien Derrière, astronome adjoint. Quant aux étudiants, leurs cours seront répartis dans les autres bâtiments du campus en fonction des salles disponibles.

Pierre-Alain Duc espère une ouverture du site du Champ du Feu d’ici une dizaine d’années. Le temps de l’université est long. Il a fallu 20 ans pour ouvrir le nouveau Planétarium..., précise le directeur qui en appelle aux bonnes volontés pour réduire les coûts. Nous allons lancer un chantier participatif pour la reconstruction de la coupole. Avis aux amateurs…

La grande coupole

A l’époque allemande, la coupole domine le domaine universitaire et clôt symboliquement l’axe des pouvoirs, matérialisé à l’autre extrémité par le palais impérial. De plan centré en croix grecque, ses quatre élévations possèdent chacune un fronton triangulaire orné d’un médaillon central à iconographie allégorique et décor végétal. Au sud, les palmes sont associées à la figure masculine du Soleil, à l’ouest le sapin à la figure féminine de la Lune, au nord le chêne à la figure masculine de l’Aurore boréale et à l’est, le laurier à la figure féminine de l’Aurore. Au centre de l’édifice s'élève une tour carrée de 15 m de haut, surmontée d'une coupole mobile à base circulaire destinée à abriter la plus grande lunette de l’Empire. Les fondations de l’édifice reposent sur une plaque de béton de 600 m² et de 1,5 m d’épaisseur coulée dans la nappe phréatique.

Le bâtiment a fait l'objet en 1995 d'une opération de restauration complète, durant laquelle la couverture de la coupole a été renforcée et le zinc changé. L’observatoire s’est agrandi de 480 m² grâce aux cubes en verre et aluminium ajoutés à chaque angle du bâtiment en 1998 par l'architecte strasbourgeois Roland Hoenner.

  • Extraits du livre L’Observatoire astronomique de Strasbourg, éditions Lieux Dits, 2009

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