Par Thomas Monnerais
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L’islam, un culte comme les autres ?

Avec l’ouvrage sur l’organisation du culte musulman qu’il a dirigé aux Presses universitaires de Strasbourg (PUS), Francis Messner, spécialiste du droit des religions au laboratoire Droit, religion, entreprise et société (Dres - CNRS/Unistra), dresse un état des lieux de l’organisation de l’islam en France.

Pourquoi avoir consacré votre nouvel ouvrage à l’organisation du culte musulman en France ? 

Le culte musulman et son organisation institutionnelle soulèvent de nombreux débats, tant au sein de l’opinion publique en général qu’au sein de la communauté musulmane en particulier. Schématiquement, nous avons d’une part des tenants d’une laïcité dure pour lesquels les pouvoirs publics ne doivent surtout pas interférer dans les affaires de religion, d’autre part des fidèles qui considèrent que la doctrine musulmane ne permet pas la création d’une organisation institutionnelle centralisée. Or ces positions sont contredites à la fois par le droit et les faits. En France et dans de nombreux autres pays en Europe et dans le monde, il existe bien une organisation institutionnelle des cultes intégrant les communautés musulmanes. Il nous a donc semblé nécessaire de dresser un état des lieux pour essayer de dégager des solutions ou des bonnes pratiques.  

En quoi l’organisation en France du culte musulman diffère-t-elle de celle des autres religions ? 

Il y a d’abord un facteur historique, l’islam en France étant relativement récent, il lui est difficile d’être aussi structuré et intégré que d’autres religions présentes et actives depuis des siècles. Il y a aussi une spécificité propre à l’islam. Si les Eglises catholique et protestantes historiques sont des ensembles doctrinaux et institutionnels relativement homogènes, il n’en va pas de même pour l’islam qui comprend une mosaïque de fédérations différentes – parfois sous influences étrangères – n’ayant pas forcément la même vision ou les mêmes intérêts. Mais cette situation est en train d’évoluer, notamment au niveau local où les différentes communautés musulmanes tendent à travailler de plus en plus ensemble. 

Un régime des cultes qui régit leur statut

Il existe, y compris dans la France laïque, un régime des cultes qui régit leur statut, leur financement, l’exercice de leur religion, leur relation avec les pouvoirs publics. Aujourd’hui, il s’applique aux religions catholiques, protestantes ou juives mais pas totalement à la religion musulmane dont nombre de communautés sont encore régies par le droit commun. Pourquoi l’islam ne pourrait-il pas être intégré au régime des cultes et bénéficier du même traitement ?

Dans le livre, sont notamment étudiés les contre-exemples de la Belgique et de l’Autriche ?

En Belgique, les cultes sont régis par un arsenal juridique similaire à celui en vigueur dans l’Alsace-Moselle sous concordat. Les ministres des cultes sont rémunérés par l’État et l’entretien des bâtiments religieux est pris en charge subsidiairement par les communes. Le culte musulman reconnu par l’État belge depuis 1974 bénéficie de tous ces avantages. Il en va de même en Autriche où notamment depuis la loi sur l’islam de 2015 le culte musulman est reconnu et traité comme tous les autres avec l’obligation de s’autofinancer et par voie de conséquence de mettre fin aux imams fonctionnaires détachés et rémunérés par des États étrangers. Autant d’exemples qui montrent que l’islam peut être envisagé comme un culte comme les autres pour peu que tout le monde, et au premier chef les communautés musulmanes, le veuille.  

Au fond, qu’apporterait un alignement du culte musulman sur les autres ? 

Une plus grande institutionnalisation n’aurait sûrement pas d’effet immédiat et ne résoudrait pas toutes les tensions identitaires, culturelles et sociales actuellement à l’œuvre dans nos sociétés européennes sécularisées. Mais elle permettrait à mon sens d’offrir un espace de dialogue et de réflexion qui à plus long terme ne peut que porter ses fruits et aplanir les différends, à l’intérieur des sociétés, dans et entre les communautés de croyants. 

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