L’IA pour concevoir les médicaments de demain
Comment les chercheurs intègrent l’Intelligence artificielle dans la recherche de nouveaux médicaments ? L’Institut thématique interdisciplinaire (ITI) du médicament de l’Université de Strasbourg a organisé un événement à destination des spécialistes en biologie et chimie et des étudiants visant à explorer le rôle croissant de l’IA dans ce domaine.
La recherche de nouveaux médicaments est un processus long et complexe, impliquant de tester des milliers, voire des millions, de molécules pour en sélectionner quelques candidates prometteuses. C’est ici que l’IA intervient : grâce à des méthodes de criblage virtuel, elle permet d’accélérer cette étape critique. L’IA, un peu comme une calculatrice, accomplit en quelques secondes des tâches qui demanderaient un travail manuel fastidieux, voire titanesque
, explique Esther Kellenberger organisatrice de cette journée avec Frédéric Bihel. Tous deux sont experts en chémogénomique, une discipline à l'interface entre la chimie et la génétique, et en chimie médicinale, un domaine consacré au développement de molécules à visée thérapeutique.
Par exemple, les systèmes d’apprentissage automatiques analysent les propriétés des molécules – solubilité, toxicité potentielle, compatibilité avec une cible biologique – pour affiner les sélections avant même de passer aux tests physiques. À Strasbourg, les expertises en chémoinformatique, qui combine la chimie et l'informatique pour analyser, modéliser et interpréter des données chimiques, mais aussi en bioinformatique structurale et en simulation moléculaire constituent un atout majeur pour développer ces approches.
Un chimie bot est capable d’imaginer des structures chimiques inédites
Au-delà des modèles prédictifs, l’IA ouvre également des perspectives dans la génération de nouvelles molécules. Tout comme un image bot, outil alimenté par l’IA qui peut créer des images originales, un chimie bot est capable d’imaginer des structures chimiques inédites. Cette capacité suscite un enthousiasme considérable : L’IA ne se réduit pas à l’apprentissage des données et à leur reproduction, elle peut proposer des motifs que nous n’aurions jamais envisagés
, souligne la chercheuse. Cependant, cette créativité algorithmique n’est pas sans limites. Les modèles actuels nécessitent encore une supervision humaine rigoureuse pour éviter des erreurs, parfois comparées à des hallucinations
.
Les méthodologies de criblage traditionnelles conservent leur pertinence
Si l’IA représente une avancée majeure, elle n’a pas (encore ?) révolutionné la conception de médicaments. Les freins sont multiples : quantité insuffisante et fiabilité incertaine des données, modèles encore perfectibles et difficulté à intégrer l’IA dans des protocoles existants. L'amélioration de la robustesse des prédictions demeure essentielle et les méthodologies de criblage traditionnelles conservent leur pertinence
, note encore Esther Kellenberger.
À l’Université de Strasbourg, l’IA s’appuie sur des bases scientifiques solides. La richesse des disciplines présentes – biologie, chimie ou encore math info – constitue un terreau fertile pour le développement de nouvelles approches. Les ITI, tels que celui du Médicament, facilitent les synergies interdisciplinaires, indispensables pour répondre aux défis de l’IA. Pour être bon en IA, il faut être bon en sciences fondamentales. Et à Strasbourg, nous avons cette culture
, rappelle Esther Kellenberger.
Répondre aux enjeux de la filière du médicament
L’Institut thématique interdisciplinaire (ITI) du médicament répond aux enjeux de la filière du médicament : produire une recherche de pointe jusqu’au stade préclinique, promouvoir l’innovation technologique via la création de start-ups et former la nouvelle génération de chercheurs au management de l’innovation du médicament. L’alchimie de l’ITI repose sur l’étroite collaboration de ses trois pôles valorisant une approche intégrée de l’innovation thérapeutique : un Centre de recherche du médicament (Medalis), une Ecole du management de l’innovation du médicament (Euridis) et un Incubateur de start-ups pharmaceutiques (Inedis).