Par Marion Riegert
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Le Human Frontier Science Program fête ses 35 ans

A l’occasion de ses 35 ans, le Human Frontier Science Program (HFSP) organisait un symposium avec l’Université de Strasbourg du 13 au 15 mai sur l’interface entre la physique et la biologie au Collège doctoral européen. L’occasion de découvrir cet organisme fondé en 1989 qui soutient la recherche pionnière, interdisciplinaire et collaborative au niveau international dans le domaine des sciences de la vie. Le point avec Guntram Bauer, son responsable scientifique.

La genèse ?

C’était il y a 40 ans. A l’époque, des discussions se sont engagées, à l’initiative du gouvernement japonais. L’idée ? Mettre en place un mécanisme faisant en sorte que les chercheurs du monde entier puissent entrer dans un projet commun. Le projet est présenté aux chefs d’état des pays du G7 qui lancent officiellement en 1989 le Human Frontier Science Program. Le siège est installé à Strasbourg pour son caractère international et son excellence universitaire.

Quoi ?

Le HFSP est une association à but non lucratif composée aujourd’hui de 16 pays membres et de la Commission européenne. L’association compte 16 salariés permanents de 8 nationalités différentes. Elle est régie par un conseil d’administration dans lequel sont représentés l’ensemble des pays membres via un ou plusieurs organismes. Pour la France, il s’agit du ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, la Région Grand Est et l'Eurométropole de Strasbourg. Les pays membres fournissent le budget annuel qui s’élève à 56 millions de dollars. L’année dernière, l’Afrique du Sud a été le premier pays d’Afrique à rejoindre le programme.

Sa mission ?

Chaque laboratoire, membre de l’équipe, doit représenter une approche ou une discipline différente

Biologie moleculaire, génétique, physique cellulaire, physiologie, ou encore changement climatique… HFSP finance des bourses de recherche pour lesquelles il n'existe pas d'études ou de données antérieures afin de faire progresser la recherche interdisciplinaire dans le secteur des sciences de la vie à l’interface avec d’autres disciplines comme par exemple la physique. Avec une priorité donnée à la science fondamentale comme socle pour résoudre les grands défis tels que les mécanismes derrière les maladies infectieuses, l’insécurité alimentaire, le climat… Un tiers du budget est consacré aux jeunes chercheurs pour le financement de leurs bourses de post-doctorat durant trois ans. Les étudiants de toutes nationalités peuvent postuler, la seule contrainte étant d’effectuer leur post-doctorat dans un des pays membre du programme, différent de celui où ils ont obtenu leur doctorat. Nous avons une soixantaine de lauréats chaque année sur 650 candidatures environ. Deux tiers du budget sont dédiés à des projets collaboratifs. Les équipes qui soumettent des projets peuvent être composées de chercheurs de toutes nationalités, mais chaque laboratoire, membre de l’équipe, doit représenter une approche ou une discipline différente. L’interdisciplinarité étant un critère important pour nous. La collaboration doit également être nouvelle. Dans cette catégorie que nous appelons « Research grant », 32 à 34 projets en moyenne sont soutenus chaque année sur plus de 600 dossiers initiaux.

Des réussites ?

29 de nos lauréats ont été récipiendaires du prix Nobel. Trois chercheurs ont découvert un nouveau médicament contre le cancer de la peau, lancé en 2012. Nous avons récemment subventionné des projets comprenant des aspects robotiques pour comprendre le mouvement des espèces. Avec notamment la création d’un robot pour simuler le mouvement d’un centipède, une sorte de myriapode.

En chiffres

  • 17 membres : Australie, Canada, France, Allemagne, Inde, Israël, Italie, Japon, République de Corée, Nouvelle-Zélande, Norvège, Singapour, Afrique du Sud, Suisse, Royaume-Uni, États-Unis, ainsi que de la Commission européenne.
  • 4 500 bourses impliquant plus de 8 500 scientifiques issus de 70 pays ont été attribuées depuis sa création.
  • Entre 1990 et 2024, les jeunes scientifiques français ont obtenu 394 bourses (évaluées à 200 000 dollars par an). De 1990 à 2022, 42 bourses de recherche ont été attribuées à des institutions du Grand Est, dont Université de Strasbourg. 39 chercheurs postdoctoraux du Grand Est ont reçu des bourses HFSP pour travailler dans des laboratoires du monde entier, dont 25 de l'Université de Strasbourg.
  • Depuis 2011, la contribution française comprend des fonds de la région Grand Est et de l'Eurométropole de Strasbourg allant de 280 000 à 410 000 euros par an.

Daniel Riveline, « un rôle essentiel dans le développement de nos recherches »

HFSP a eu un rôle essentiel dans le développement de nos recherches, se réjouit Daniel Riveline, chef d’équipe à l’Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC – CNRS/Inserm/Unistra), lauréat en 2018 avec trois autres chercheurs du programme HFSP Research Grant. Leur marque de fabrique est de demander à des personnes qui n’ont jamais travaillé ensemble de proposer des sujets nouveaux. Ce cahier des charges est pour moi inédit et particulièrement intéressant car je travaille à l’interface entre la physique et la biologie.

Leur projet porte sur les organoïdes et la création de prototypes d’organes conçus en laboratoire à partir de cellules souches. Durant ces années, les quatre chercheurs et leurs équipes ont eu des avancées majeures, une dizaine de publications sont en cours, dont deux acceptées dans Nature Physics cette année. Nous avons mis en évidence les mécanismes fondamentaux de l’assemblage des organoïdes. Nos travaux contribuent à avoir une compréhension de la préparation d’organoïdes robustes et reproductibles. Un brevet a été déposé et un projet de maturation est en cours avec la Société d'accélération du transfert de technologies Conectus. Chaque membre du groupe a mené ces recherches avec sa culture scientifique pour la faire aboutir. HFSP nous a permis d’initier ces travaux inédits qui vont se poursuivre.

Un symposium pour les 35 ans

À l’occasion de ses 35 ans, le Human Frontier Science Program a organisé avec l’Unistra un symposium du 13 au 15 mai sur l’interface entre la physique et la biologie ou comment repousser les limites de la recherche future aux Interfaces ? L’évènement était découpé en deux temps. Durant le premier, des duos venus du monde entier, physicien/biologiste, théoricien/expérimentateur, ont pu présenter en tandem leurs travaux.

Un second temps était dédié à l’audition de candidats présélectionnés ayant répondu à un appel d’offre lancé par l’Université de Strasbourg aux chercheurs du monde entier. L’idée ? Financer un séjour de recherche à l’Université de Strasbourg à des duos de scientifiques. Deux duos ont été retenus à l’issue.

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