Par Jean Sibilia, doyen de la Faculté de médecine
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Crise Covid 19 : optimisme et prudence

Cette pandémie virale était attendue mais ses impacts sanitaires, sociaux et économiques n’avaient pas été prévus. Nous n’étions pas prêts à l’affronter, ni individuellement ni collectivement. Une forme d’arrogance technophile mais aussi les pandémies avortées à Sars-Cov2 en 2002 et à Mers-Cov en 2012 nous ont fait penser que « rien ne pouvait arriver ».

Nous avons beaucoup appris sur ce nouveau virus Sars-Cov2 mais aussi sur les fragilités de notre monde. Nous avions peut-être oublié, depuis la seconde guerre mondiale, ce que peut être un séisme planétaire, terrible par ses conséquences mais magnifique par l’élan altruiste qu’il génère. Cette crise a révélé notre incroyable capacité à réagir et à créer des organisations, des chaines de solidarités, des traitements et des vaccins dans des moments particulièrement difficiles.

Il faut continuer à s’émerveiller de ce que l’Homo sapiens est capable de faire, avec résilience, dans un élan collectif qui fait notre force

Comme en temps de guerre le courage, l’humour et la gentillesse des gens ordinaires sont stupéfiants, comme l’écrivait une journaliste américaine qui découvrait le quotidien de Londres dévastée par les bombes nazies (Panter-Downes, London War Notes 1939-45, Strauss et Giroux, 1971). L’adversité révèle la solidarité, la générosité et le meilleur de chacun mais elle exerce aussi une pression pesante qui mène parfois à une détresse psychosociale chez les plus fragiles. Nous avons ainsi pu observer l’impact de cette pandémie chez les enfants, les gens isolés et chez ceux en situation de précarité. Nous avons maintenant la responsabilité de comprendre cela ensemble pour faire grandir nos sociétés et notre monde si singulier. Certains vont tenter, par une épreuve de force, de nous faire croire que la seule issue est autocratique, en réanimant le mythe destructeur du « petit père » qui protège les peuples. Retrouvons notre esprit de résistance, cher à tant de grands hommes, forts de nos valeurs humanistes mais sans déni et sans faiblesse. Refusons la manipulation et l’infantilisation pour construire le monde que nous serons fier de léguer à nos enfants. Tout cela est un des messages de cette pandémie qui sonne un peu comme une alerte universelle.

Nous avons aussi découvert ou redécouvert la grande fragilité de notre système de santéDe façon plus concrète, nous avons aussi découvert ou redécouvert la grande fragilité de notre système de santé, qui ne s’est pas construit pour répondre à une crise de cette ampleur. Nous avions oublié, au moins en partie, l’importance d’une vision « santé publique » qui doit faire de la prévention et du bien-être une priorité. Nous avions oublié l’importance d’une production souveraine et de la force d’une solidarité internationale, qui devrait être un des éléments-clés de l’identité de notre Europe. Nous avions peut-être aussi sous-estimé l’importance de la responsabilisation et de la créativité des acteurs de la santé mais aussi de tous ceux qui, dans les grands moments d’incertitude, ont montré tant d’altruisme... et ils ont été nombreux !

L’épidémie à Sars-Cov2 va maintenant régresser progressivement, au moins pour quelques mois, dans les pays qui ont été « traversés » par la dernière vague Omicron. L’intensité de cette vague, marquée par une contagiosité virale sans précédent, n’a pas eu de conséquences graves dans notre population, largement protégée par la vaccination. Le destin nous a souri car l’on peut aisément imaginer les conséquences qu’avaient pu avoir en début d’épidémie un Sars-Cov2 aussi contagieux qu’Omicron et aussi agressif que Delta dans des populations de tous âges, démunies d’immunité. L’acquisition d’une immunité collective liée aux variants successifs et à une large couverture vaccinale incite à un sérieux optimisme. Cela doit nous laisser espérer rapidement une réduction, voire une levée des mesures de protection et de distanciation physique. Nous aspirons tous à en être libérés, tout en reconnaissants qu’elles ont été indispensable dans l’expression d’une formidable générosité collective, qui a certainement permis d’épargner des vies et des drames familiaux. Soyons fiers et heureux de cela !

La pandémie va peut-être se transformer en endémie

Le virus continuera à exister de façon sporadique, avec une périodicité certainement différente de la grippe mais que l’on ne connait pas encore. Cette transformation endémique qui s’amorce en Europe n’est pas acquise dans certains pays, notamment ceux qui se sont protégés (par des stratégie Zéro covid) et ceux qui n’ont pas pu bénéficier d’une vaccination de la population. Le virus va donc continuer à circuler, surtout lors du prochain hiver de l’hémisphère sud et peut-être resurgir sous la forme d’un nouveau variant qui pourrait échapper à l’immunité acquise dans l’hémisphère nord. L’humilité élémentaire, que nous a appris cette crise, justifie d’évoquer cette hypothèse même si l’on a aussi conscience que les possibilités de mutations de ce virus ne sont pas infinies. Nous nous approchons certainement de la fin de l’épidémie mais sans connaître formellement le scénario de l’épilogue. Quoiqu’il en soit, tout ce que nous avons appris, grâce à une recherche incroyablement créative, doit nous donner confiance dans une science bienveillante.

Nous sortirons de ce moment terrible, certainement transformés, fort d’une nouvelle capacité de résilience, conscient que nous devons construire un monde respectueux d’un environnement si précieux et imprégné d’altruisme et de solidarité.

L’être humain deviendra meilleur lorsque vous lui aurez montré qui il est.
Anton Tchekhov, écrivain, médecin (1860-1904)

Jean Sibilia, doyen de la Faculté de médecine, maïeutique et sciences de la santé
Vice-président de l’Université de Strasbourg
Président du C4S (Comité Science Santé & Société de Strasbourg)

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