Par Marion Riegert
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Au cœur des animés japonais

Souvent adaptés de mangas, les animés japonais connaissent un engouement mondial. A travers l’ouvrage « Au pays des merveilles, trésors de l’animation japonaise », Nathalie Bittinger, chercheuse au sein de l’équipe d’accueil Approches contemporaines de la création et de la réflexion artistiques (Accra – Unistra), s’est intéressée à ces œuvres cinématographiques protéiformes qui ne sont pas destinées uniquement aux enfants. Et ce à travers trois problématiques balayant le cinéma animé de l’après-guerre à nos jours.

Apocalypse now ou la dystopie futuriste

Dans cette première partie, Nathalie Bittinger revient sur la science-fiction dystopique qui connait un temps fort dans les années 1980-1990 et met en scène une humanité sur le fil du rasoir, menacée par l’apocalypse technologique ou écologique. Avec des œuvres à destination des adultes comme Ghost in the Shell de Mamoru Oshii, visionnaire par rapport à la question du transhumanisme. « Cet animé a inspiré Matrix, glisse la chercheuse. Ou encore Akira, de Katsuhiro Ōtomo. Adapté de son propre manga, le film sort dans les salles françaises sans rencontrer son public, tant cette peinture nihiliste rompt avec les canons en vigueur, mais il connaîtra un engouement cinéphile par le biais de la vidéo. » Sans oublier Neon Genesis Evangelion de Hideaki Anno, série animée plus récente dans laquelle des enfants-soldats dépressifs se synchronisent avec leurs armures robotiques pour combattre des créatures géantes menaçant la Terre. « C’est avec le genre mecha que la génération des années 1980 a découvert les animés à la télévision, à l’image de Goldorak. »

De l’autre côté du miroir avec Hayao Miyazaki

Après l’apocalypse, Nathalie Bittinger nous entraine dans les mondes merveilleux de Hayao Miyazaki. Ses œuvres sont la porte d’entrée de maints spectateurs dans l’animation japonaise. L’auteur à l’inventivité folle propose des mondes poreux où réel, fantastique et merveilleux s’entremêlent. Et ce à travers une galerie de personnages mémorables : créatures folkloriques, esprits de la nature inspirés du shintoïsme, dieux bouddhistes. Guerre, environnement, capitalisme… les thématiques n’en demeurent pas moins d’actualité, dans des œuvres à plusieurs niveaux de lecture. « Le voyage de Chihiro raconte le périple initiatique d’une jeune fille qui passe de l’autre côté du miroir, vers un monde magique où elle va devoir faire la preuve de son humanité. Ses parents transformés en cochons, ou la fièvre de l’or qui s’empare des employés des Bains, portent une critique du capitalisme. La dimension écologique est également prégnante : Chihiro purifie le dieu putride d’une montagne de déchets, libérant l’esprit d’une rivière polluée. » La forêt toxique de Nausicaä de la Vallée du Vent, fable post-apocalyptique dotée d’une héroïne messianique, est inspirée d’un fait divers : le scandale du rejet de 400 tonnes de mercure dans la baie de Minamata. Dans leurs dessins, les cinéastes subliment la nature et sont attentifs à chaque pétale de fleur, à chaque reflet de lumière.

La vie maintenant, retour au quotidien

Dans cette dernière partie, place aux cinéastes attentifs à la représentation du réel, à l’inscription de leurs personnages dans le quotidien. A l’image des œuvres d’Isao Takahata comme Souvenirs goutte à goutte. « Il bouleverse l’animation par sa mise en scène qui plonge ses protagonistes dans un environnement crédible. Selon Takahata, le dessin animé ne se cache pas d’être une interprétation artistique du monde, il peut donc, paradoxalement, s’engager à montrer le réel. Dans Le Tombeau des lucioles consacré aux horreurs de la Seconde Guerre mondiale, le cinéaste exhibe les corps calcinés ou la dénutrition de la petite Setsuko, que l’on voit littéralement mourir de faim. »

Nombre de films actuels s’attaquent à des sujets de société, comme le harcèlement, le handicap, l’immigration clandestine, l’homosexualité, le suicide des adolescents, les métamorphoses du Japon ou encore l’écologie.

Son histoire avec l’animation japonaise

Il y a un foisonnement de styles dans l’animation japonaise, qui recouvre tous les genres filmiques et traite de tous les sujets, même les plus durs. Elle réverbère le monde de mille façons et pose des questions cinématographiques. J’ai, par ailleurs, eu la chance de rencontrer Isao Takahata en 2016 à Strasbourg. Notre entretien fut si riche que je m’étais promis d’écrire sur la question, raconte Nathalie Bittinger, qui fait un pas de côté par rapport au cinéma chinois à la faveur de cette rencontre marquante pour étudier les animés japonais.

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