Par Edern Appéré
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Un colloque de jeunes chercheurs défriche les droits de la nature

Jeudi 13 juin se déroulait la 12e édition du colloque annuel organisé par les doctorants et jeunes docteurs rattachés à l’école doctorale en sciences juridiques (ED 101) de l’Université de Strasbourg. Sobrement intitulé « La Nature », il réunissait des spécialistes de toutes les disciplines juridiques, autour de ce thème d’actualité.

C’est avec étonnement que nous nous sommes rendu compte que la nature n’avait jamais été abordée lors des onze éditions précédentes du colloque de l’école doctorale, relate Joseph Mann, jeune docteur membre du comité scientifique à l’origine de l’événement. Consacrer ce colloque à la nature nous est apparu comme une évidence, d’autant que cette notion concerne tous les domaines du droit. On parle souvent de droit de l’environnement, mais pas de droit de la nature, complète Félicien Massebieau, doctorant en droit public, également partie-prenante de l’organisation. Or, on constate que de plus en plus de jeunes chercheurs en droit abordent le thème de la nature. C’est quasiment devenu un thème générationnel ! 

Mis sur pied par un comité scientifique composé de huit étudiants en doctorat ou qui ont soutenu leur thèse récemment, cet événement scientifique se déroulait dans l’amphithéâtre Alain Beretz, sur le campus de l’Esplanade. Il avait pour double intérêt d’être pensé par et pour les jeunes chercheurs. Toutes les universités ne proposent pas ce type de colloque qui valorise la jeune recherche, note Clara Garnier, doctorante en droit privé et sciences criminelles et co-organisatrice. Pour beaucoup d'intervenants, il s’agissait d’une première communication lors d’un colloque. Ce type d’événement est formateur !

Approche moderne du droit

Les relations entre droits de la nature et droits humains, la notion de dignité, la question des animaux nuisibles sont autant de sujets qui ont été abordés et sont revenus à plusieurs reprises durant cette journée. Bien que traitant de questions à priori éloignées les unes des autres, les interventions du matin et de l’après-midi se sont répondues, nourrissant la réflexion des conférenciers comme des auditeurs et alimentant les échanges. Au-delà de la doctrine – les commentaires sur le droit existant – les jeunes chercheurs ont proposé des pistes d’évolution du droit relatif à la nature. Chacun avec sa sensibilité et parfois même une bonne dose d’optimisme sur la possibilité de changer la société grâce au droit.

Deux interventions illustrent la diversité des approches choisies par les contributeurs. La première concernait le militantisme juridique. La critique récurrente formulée à l’encontre du droit de l’environnement est qu’il représente une contrainte, une entrave aux initiatives des personnes. À ce titre, on entend souvent l’expression d’écologie punitive. L’intervention sur le militantisme juridique était une piqûre de rappel que le droit n’est pas qu’une contrainte, mais aussi une ressource, retrace Joseph Mann. La seconde imaginait une Sécurité sociale de la nature. Il s’agissait d’une hypothèse théorique de réparation des dommages faits à la nature, explique Félicien Massebieau. Intellectuellement, c’est une idée très stimulante pour proposer un nouveau paradigme à même de remédier aux limites du droit actuel.

Au terme de cette journée, les organisateurs se félicitent de la réussite de ce colloque. Les contributeurs ont raisonné en juristes, mais en empruntant aux autres disciplines : ethnologie, anthropologie, biologie…, relève Joseph Mann. S’appuyer sur d’autres disciplines pour élaborer un raisonnement juridique est une façon moderne de faire du droit. C’est aussi un moyen d’entrer en dialogue avec nos confrères d’autres sciences et de leur ouvrir une porte pour qu’ils s’intéressent à nous. Clara Garnier, quant à elle, souligne l’intérêt de ce temps d’échanges dans le cadre du travail sur sa thèse : Ce colloque est un moment de discussions, y compris sur les difficultés de la thèse. Il permet de faire une pause dans un exercice par ailleurs très solitaire. Même si les thématiques de recherches sont éloignées de mon sujet de thèse, rencontrer autant de doctorants et jeunes docteurs, ça booste !

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