Par Elsa Collobert
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Missions professionnelles : « C'est surtout le cheminement qui compte ! »

Créer un site internet, tourner une vidéo, monter un événement... A partir de projets concrets, les étudiants investis dans les missions professionnelles développent des compétences utiles pour la suite de leur parcours. Le point sur ce dispositif innovant et interdisciplinaire, qui fête ses six ans d'existence, avec ses coordinatrices, Stéphanie Nolot et Marion Huber.

A l'origine de chaque mission professionnelle, il y a un besoin précis et concret. A l’instar des projets tuteurés des IUT ou écoles, les missions professionnelles constituent de véritables mises en situation, au plus près de la réalité du terrain et du monde professionnel, soulignent ses coordinatrices, Stéphanie Nolot et Marion Huber.

Organiser un concours de critiques cinématographiques ; développer un site internet ; réaliser une vidéo de promotion de la mobilité étudiante en Russie ; élaborer des itinéraires touristiques insolites, ou monter une exposition au Shadok : voilà quelques-unes des missions confiées aux étudiants, cette année universitaire 2022-2023. Autre exemple, en 2017-2018, les étudiants ont créé un spectacle consacré au centenaire de la Grande Guerre. Ces missions professionnelles offrent l’opportunité aux étudiants de mener des projets interdisciplinaires avec des camarades d’autres formations ou d’autres composantes, et d’apprendre ensemble de leurs compétences respectives, estiment les deux coordinatrices. Ces compétences, ils peuvent ensuite les valoriser et les remettre à profit dans leur formation, lors d'un stage ou dans le cadre de leur insertion professionnelle.

Mode projet

Des expériences de terrain menées en mode projet, sous la responsabilité d’un tuteur ou d’une tutrice. Une personne au regard neutre, extérieure au projet, chargée d'entretenir la dynamique de groupe et de jouer un rôle de conseil pour la méthode et les apprentissages. Les projets sont apportés par des commanditaires, issus d'un réseau qui ne cesse de s'étoffer au fil des éditions : l'entreprise Quill's Keeper, le Cabaret du chat, le Shadok, le Service universitaire de l'action culturelle (Suac), les associations étudiantes Unigames et Krujok...

L’évaluation s’articule autour de plusieurs étapes qui jalonnent le projet : La note de cadrage, la soutenance avec "pitch", et le bilan personnel. Les groupes, de trois à six membres, sont dimensionnés en fonction de la taille du projet, qui se déroule le temps d'un semestre. Chaque année, le dispositif accueille une centaine d’étudiants. Chacun participe à un projet qu’il a choisi en fonction de ses compétences, de ses envies, et de ce qu’il souhaite développer. Selon leur parcours, cela leur rapporte trois crédits ECTS et/ou une attestation de compétences. Certains étudiants choisissent de réitérer l’expérience parfois plusieurs semestres de suite ! Les commanditaires, souvent désireux de bénéficier du regard et de l'énergie d'étudiants sur leur projet, s'avèrent aussi ravis de l'expérience.

27 missions professionnelles proposées en 2021-2022*Le dispositif a été imaginé en 2017, en réponse à un appel à projets pilote du ministère. Objectif : favoriser l'insertion professionnels des diplômés issus des filières Sciences humaines et sociales (SHS) - Art, lettres et langues (ALL). Ce n’est donc pas un hasard si, aujourd’hui encore, la majorité des participants sont issus de ces rangs (23 % de la Faculté des langues, 14 % en arts, autant en histoire et sciences sociales*). Sans s'y limiter, toutefois : de plus en plus d’étudiants d'autres composantes, qui ont bien saisi la pertinence du dispositif, s'y inscrivent (sciences économiques, droit, math-info, géographie, psychologie, physique, professorat et éducation, sciences de la vie...). Côté niveau d’études, les étudiants sont majoritairement en licence (83 %)*, avec aussi quelques masters (18, sur les 111 qui sont allés au bout du dispositif en 2021-22)*.

Cadre bienveillant et droit à l'erreur

Stéphanie et Marion insistent sur le cadre bienveillant et le droit à l'erreur offerts par les missions professionnelles. Au-delà du résultat, ce qui compte c'est le chemin, ce qu’ils ont appris. Les étudiants se rendent compte qu'un projet n'est pas un long fleuve tranquille, qu'il faut s'adapter et être créatif. Qu'en retiennent-ils ? D'abord, l'aspect fondamental de la communication : bien énoncer les attendus, garder le lien avec le commanditaire et le reste du groupe. Les étudiants nous parlent souvent de la satisfaction de s'être dépassés, d’avoir pris la direction du groupe ou, au contraire, d’avoir réussi à déléguer. Ils sortent de leur zone de confort et en apprennent davantage sur eux-mêmes.

Pour l’année prochaine, les deux coordinatrices mettront à la disposition des composantes une malette pédagogique virtuelle (sur Moodle Air), composée de ressources pédagogiques et administratives. Elle permettra aux équipes pédagogiques de s’approprier le dispositif, pour développer les mises en situation professionnelle dans leurs formations, en cohérence avec les attendus de la nouvelle offre de formation. L'idée est que le dispositif essaime, continue à se construire de façon dynamique, dans la lignée de la philosophie du projet !

* Tous les chiffres indiqués le sont pour l'année universitaire 2021-2022

« J'ai apprécié m'investir dans ces projets concrets, à l'organisation flexible »

Apprendre à faire un rétroplanning, un benchmark, prospecter pour des financements... Je suis convaincue que ces compétences acquises en suivant l'UE « Missions professionnelles » me seront utiles, à la fois au plan professionnel et personnel : je me destine pour le moment à être psychologue, et j'envisage de créer une association dédiée à l'éducation.

Cette année, pendant ma licence 1 Psychologie, j'ai suivi deux sessions. La première mission consistait à imaginer un prolongement à la mise en scène du Nez (Gogol) de la dramaturge Ekaterina Nikolova ; la deuxième à mettre sur pied un événement autour de la citoyenneté européenne pour des lycéens de Bischwiller.

Il faut être prêt à consacrer un minimum de temps à sa mission. Pour moi, il n'y avait pas photo entre m'investir sur un projet concret, rencontrer des gens, répartir de façon flexible dans ma semaine les heures de travail, ou m'asseoir pendant deux heures dans une salle de cours. Avec le groupe de la première mission, nous sommes toujours en contact.

Au départ, j'avais voulu m'investir dans un projet centré sur le handicap, qui ne s'est finalement pas fait. Mais j'ai bien accroché avec les projets, car au début du semestre on formule des vœux.

Le seul reproche que je ferais est que le dispositif n'est pas encore très connu par les composantes : j'avais choisi une autre UE optionnelle, et malheureusement j'ai appris après coup que les crédits ECTS ne peuvent se cumuler... L'investissement n'est pas le même selon les participants : certains décrochent en cours de route, il faut alors se réorganiser. Mais on apprend aussi du même coup à relativiser. Je me suis sentie nettement moins stressée lors du deuxième projet quand survenait un aléa. A chaque fois, il faut être prêt à se remettre en cause pour trouver des solutions réalistes aux problèmes : au semestre 1 nous avons proposé une vidéo et une représentation théâtrale en live ; au semestre 2, la soirée initialement voulue pour le 9 mai s'est transformée en après-midi, le 21.

Zoom sur la mission professionnelle « Casino intellectuel »

En Russie, le Casino intellectuel est un jeu télévisé très populaire, une sorte de Qui veut gagner des millions ?, décrit Stéphanie Nolot. Au premier semestre, la Maison russe des sciences et de la culture à Paris a proposé à cinq étudiants de décliner le jeu en version française, et d’y faire participer les étudiants strasbourgeois.

Petru, Sarah, Tououiya, Aurore et Karim ont pris très à cœur leur mission, imaginant les questions, réservant la salle Pasteur du Palais U, créant les supports de communication, entretenant l’enthousiasme des joueurs inscrits en restant en contact avec eux via les réseaux sociaux... Le jour J, les commanditaires avaient fait le trajet de Paris pour co-animer le jeu. Une quarantaine de personnes répartie en équipes se sont challengées pour répondre aux questions et gagner les lots offerts par la Maison russe des sciences et de la culture. A la clé, une bouteille de champagne !

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