Par Margot Michelland et Sabriya Mundschau
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Si les jeux vidéo avaient un pouvoir thérapeutique ?

Bien souvent critiqués pour leur effet addictif, les jeux vidéo ont aussi des bienfaits. Dans le cadre d’un projet européen débuté en 2019, une équipe de chercheurs a mis en évidence, chez des joueurs, des effets qui pourraient être intéressants pour certaines pathologies psychiatriques. Ils permettraient notamment d’améliorer les traitements spatio-temporels altérés chez certains patients, comme c’est le cas dans la schizophrénie. Anne Giersch, directrice de recherche de l’unité Neuropsychologie cognitive et physiopathologie de la schizophrénie (Inserm / Unistra), nous en dit plus.

Certaines maladies psychiatriques se caractérisent par des troubles de synchronisation amenant les patients à éprouver des difficultés à percevoir et anticiper le temps qui passe. Pour mettre en lumière le potentiel thérapeutique des jeux vidéo d’action, Anne Giersch cherche à comprendre comment ces jeux façonnent les mécanismes et les comportements cérébraux. Et ce afin d'adapter ces outils de rééducation aux pathologies.

Première étape : étudier un groupe de personnes qui ne sont pas atteintes de maladie psychique. Ces dernières sont scindées en deux groupes. L’un, les joueurs, ayant une pratique de minimum 5h par semaine de jeux vidéo sur une période de 12 mois. L’autre, les non-joueurs, ont peu ou pas pratiqué pendant au moins un an le jeu vidéo. Nous avons ainsi montré que, avec la pratique de jeux vidéo d’action, les joueurs savent mieux anticiper dans le temps, souligne Anne Giersch.

Vers une fenêtre thérapeutique ?

La même étude est ensuite réalisée à la clinique de psychiatrie de Strasbourg, chez des patients atteints de schizophrénie. Les résultats confirment des résultats antérieurs qui montrent que les patients ont des difficultés à anticiper dans le temps. Ces difficultés touchent les mécanismes qui sont améliorés par la pratique de jeux vidéo d’action. Ces mécanismes sont en cours d’exploration chez des patients en phase de diagnostic à Nancy. Ils présentent seulement des signes avant-coureurs, susceptibles ou non de déclencher la maladie. Le but est de trouver des marqueurs qui pourraient être utilisés comme diagnostic et permettre une prise en charge plus rapide.

L'idéal serait d’utiliser les jeux vidéo comme thérapie mais pour cela de nombreux facteurs sont encore à étudier comme le risque d’un repli sur soi ou de développer une addiction. Des risques d’autant plus accrus chez les patients atteints de schizophrénie, explique la chercheuse.

Les médicaments peuvent altérer les résultats

Le projet européen se poursuit. Les maladies psychiatriques étant multifactorielles, il est difficile d’en cerner toute la complexité. Il faut du temps. Il est par exemple intéressant de noter que les médicaments peuvent altérer les résultats et que des recherches supplémentaires sont nécessaires afin d’en examiner l’impact, précise Anne Giersch.

Une thérapie complémentaire plus douce, même si elle ne remplacera pas les médicaments

Le projet, qualifié de projet à "haut risque" étant donné que la finalité n’est pas assurée, regroupe six partenaires : trois allemands, un espagnol, un finlandais, un français. C’est un véritable espoir pour les patients atteints de schizophrénie. Le traitement par voix médicamenteuse est lourd et avec de nombreux effets secondaires, la possibilité d’améliorer certains symptômes de manière ludique ouvrirait la porte à une thérapie complémentaire plus douce, même si elle ne remplacera pas les médicaments.

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